#Décryptage

- 16 juin 2020

"Actionnariat salarié : renouer avec l’engagement de vos collaborateurs après la crise"

Dispositif plein d’ambitions pour réconcilier les intérêts du capital et du travail lorsqu’il a été initié par le Général de Gaulle dans les années 1960, l’actionnariat salarié n’a pas encore pleinement dévoilé son potentiel à l’heure de la raison d’être et de la promesse marque employeur. Il reste un dispositif peu appliqué au sein des entreprises, certainement par méconnaissance de toutes ses vertus. 

La France comptabilise 3,2 millions d’actionnaires salariés et figure donc comme le pays européen où le dispositif d'actionnariat salarié est le plus développé grâce à un précédent contexte économique favorable. 83% des actifs interrogés s’accordent à dire que l’actionnariat salarié favorise la fidélité du salarié à l’égard de son entreprise, et 80% admettent qu’il s’agit d’un bon système de reconnaissance de l’entreprise vis-à-vis de ses salariés (étude IPSOS pour l'agence Proches, Juin 2019). 

Le soutien du gouvernement en faveur de ce dispositif pour l’ouverture de 10% du capital des entreprises françaises aux salariés d’ici 2030, notamment avec la loi PACTE, a pu encourager ces dernières années son application au sein des grands groupes. Et les récentes déclarations de Gérald Darmanin pour sa généralisation pourraient accroître son application.

A l’étranger, les lignes semblent bouger aussi, à l’instar des annonces récentes de Woolworths, leader de la grande distribution en Australie et Nouvelle-Zélande, qui choisit l’actionnariat salarié pour remercier ses collaborateurs de leurs efforts pendant la terrible période de crise environnementale puis sanitaire qu’a connu le pays (saison des incendies puis pandémie de coronavirus). « Pour cela, nous pensons qu’il n’y a rien de mieux que de les rendre actionnaires de notre groupe. Toutes les équipes ont été solidaires et ont réussi à maintenir l’activité pour le plus grand bénéfice de nos clients et des collectivités que nous servons », a déclaré le PDG Brad Banducci. Une distribution gratuite d’actions à 100 000 salariés en fera l’entreprise comptabilisant le plus grand nombre d’actionnaires salariés en Australie et Nouvelle-Zélande. A la clé : une valorisation du rôle des collaborateurs et un moyen de les fidéliser pour les années à venir. 

Néanmoins, il semblerait que l’actionnariat salarié ne soit pas encore traité comme sujet “global”, positif pour la stratégie de l’entreprise, et outil de visibilité et d’engagement à l’interne et à l’externe. Il n’est donc pas certain que la déclaration du ministre de l’Action et des Comptes publics puisse apporter les effets attendus en France.  

Dans les entreprises où il est appliqué, il est un dispositif reconnu pour ses bénéfices, mais il n’est abordé que comme une part d’avantages s’inscrivant dans leur politique RH globale pour fidéliser leurs salariés. Elles y trouvent aussi des intérêts stratégiques, puisqu’il les prémunit d’OPA hostiles et contribue à capter de nouvelles sources de financement. Mais les différentes formes que ce dispositif peut prendre laisse encore beaucoup de pistes à exploiter. 

Au moment où nous avançons dans la transformation de l’organisation de l’entreprise, accélérée par la crise sanitaire actuelle et les effets attendus d’une crise économique qui se profile, pour s’éloigner des modèles pyramidaux, il devient temps d’intégrer et penser le dispositif d’actionnariat salarié dans les mécanismes d’intelligence collective. Ce, pour qu’il donne pleinement la voix et la place aux salariés d’agir en faveur du développement de l’entreprise. Il deviendra aussi un sujet de stratégie, de RSE et de marque employeur mais aussi un sujet de communication et unira donc toutes les fonctions majeures de l’entreprise autour de la table des discussions. 

Comme le souligne Martin Richer, Administrateur du Think Tank Terra Nova, « l’actionnariat salarié tel qu’il est pratiqué se focalise principalement sur le partage de valeur créée au lieu de s’intéresser sur le fait de créer ensemble de la valeur en amont. La clé pour retrouver une confiance salariés-entreprises, c’est l’intérêt général et la proximité.»

Par ailleurs, l’actionnaire salarié n’est pas un actionnaire comme les autres. De par son adhésion au projet d’entreprise et l’investissement financier personnel qu’il y accorde, il doit bénéficier d’une attention spécifique. Pour certains publics fragiles, il est le seul levier d’épargne. Laissons donc de côté la technique aux financiers pour gérer les aspects complexes du sujet et rendons-le accessible et compréhensible auprès des collaborateurs pour le rendre encore plus engageant.

L’actionnariat salarié contribue à la croissance de l’entreprise, porte une vocation sociale en plus d’engager les collaborateurs ; il est un relai des messages positifs auprès de d’autres publics cibles.

L’actionnariat salarié à impact positif devient alors un sujet de managers et un sujet de communication, d’où la nécessité de réunir toutes les fonctions autour de la table des discussions. 

Entreprises, faites-donc de l’actionnariat salarié à votre image : concevez-le selon ce que souhaitez que l’on perçoive de vous. Il est un sujet d’intérêt général en soutien de votre stratégie, votre politique marque employeur, RSE et votre notoriété. Ses différentes formes favorisent aussi le traitement des problématiques d’inclusion s’il s’inscrit dans un débat d’intelligence collective avec le CEO, le DRH, le directeur RSE et directeur de la communication réunis.